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23 septembre 2013

Interview de Marie Boudoir, directeur technique et finances chez Mutuelle familiale

Interview

«La grande différence entre les mutuelles et les deux autres familles d’assureurs réside dans la souveraineté de l’assemblée générale»

l'actuariel : Quelles sont les obligations en termes de bilan dans le cadre de Solvabilité II ?

Elles sont identiques pour les trois familles d’assureurs avec les mêmes règles de proportionnalité. La directive européenne Solvabilité II prévoit, pour tous, la construction d’un bilan, dont les postes sont évalués à leur valeur économique. Les actifs à leur valeur d’échange « dans le cadre d’une transaction conclue, dans des conditions de concurrence normale, entre des parties informées et consentantes ». Les passifs à leur valeur de transfert ou de règlement « dans le cadre d’une transaction conclue, dans des conditions de concurrence normale, entre des parties informées et consentantes ». Pour les provisions techniques, la valeur Solvabilité II est égale à la somme :

• du best estimate de la valeur des engagements d’assurance (portefeuille actuel de passifs). Il est défini comme la valeur actualisée probable des flux futurs. Ceux-ci doivent être réalistes sans prise en compte de marge de prudence. Ils doivent être actualisés selon une courbe de taux sans risque fournie par EIOPA ;
• et de la marge de risque, « calculée de manière à garantir que la valeur des provisions techniques est équivalente au montant que les entreprises d’assurance et de réassurance demanderaient pour reprendre et honorer les engagements d’assurance et de réassurance ».

Ces deux éléments doivent être évalués séparément. Le calcul de la marge de risque nécessite au préalable le calcul du SCR. Il est donc effectué dans une troisième étape.

l'actuariel : Pour un actuaire, existe-t-il des spécificités propres aux mutuelles par rapport aux compagnies d’assurance ?

Il persiste dans le Code de la mutualité des différences notables par rapport au Code des assurances et à celui de la Sécurité sociale. Concernant la garantie « frais soins de santé » – la principale activité des mutuelles –, le Code de la mutualité prévoit pour l’instant que « les mutuelles ne peuvent instaurer de différences dans le niveau des prestations qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés ». Pour cette raison, il a été jugé qu’un protocole d’accord ou un réseau de soins fixant des niveaux de remboursements différents pour un même acte, selon que l’assuré recourt à un praticien y adhérant ou non, est contraire à cet article. Pour ce qui est de la tenue de documents relatifs aux contrats et sinistres, il n’y a pas d’équivalent aux articles du Code de la Sécurité sociale ou des assurances qui imposent un numérotage continu des adhésions ou des sinistres. Ces obligations ont permis d’instaurer de bonnes pratiques en matière de contrôle antifraude ou de suivi par exercice de survenance. Ce dernier point d’attention est d’ailleurs plus récent pour les mutuelles qui assuraient historiquement un risque court et se satisfaisaient souvent de suivis comptables de leurs ratios de sinistralité. La grande différence entre les mutuelles et les deux autres familles d’assureurs réside dans la souveraineté de l’assemblée générale. Pour l’offre individuelle, les augmentations de cotisations sont encore très souvent du ressort de l’AG, puisque la délégation au conseil d’administration est loin d’être généralisée. Pour les opérationnels techniciens, c’est une contrainte forte car les études doivent être réalisées très en amont du vote avec peu de connaissance de l’année en cours pour projeter les tarifs de l’année suivante. En revanche, pour les équipes du développement et du marketing, quelle opportunité d’avoir une « remontée terrain » !

l'actuariel : Quel est l’impact du processus de concentration des mutuelles sur la fonction d’actuaire ?

La principale conséquence, c’est l’internalisation de la fonction d’actuaire. Alors que les travaux d’actuariat étaient ponctuels et par conséquent confiés à des cabinets de conseil, la taille de ces nouvelles mutuelles nécessite des équipes à temps plein, sans compter la mise en place des nouvelles normes réglementaires. On retrouve donc des actuaires dans différents départements ou directions (actuariat, finances ou encore gestion des risques).

Propos recueillis par Dominique Angelini

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